Changer les choses à notre niveau

Il existe de nombreux acteurs désirant changer les choses

Dans le paysage urbain moderne, souvent critiqué pour son uniformité et parfois sa laideur, les premiers à souhaiter un changement sont incontestablement les résidents de quartiers urbains dégradés. Ces habitants, contraints par des limitations économiques, subissent directement les conséquences d'un environnement peu engageant sans souvent avoir la possibilité de déménager. À ces voix s'ajoutent celles des esthètes et des défenseurs du patrimoine, profondément attachés à la conservation des témoignages historiques et architecturaux.


Le mouvement pour un renouveau urbain bénéficie également du soutien indéfectible de diverses associations et organismes dédiés à la préservation du patrimoine. Parmi eux, la Fondation du Patrimoine se distingue par ses efforts pour protéger et valoriser le patrimoine français, intervenant dans la restauration de bâtiments et de paysages qui constituent le tissu de notre histoire locale. Maisons Paysannes de France œuvre également dans ce sens, en mettant l'accent sur la sauvegarde des habitations rurales traditionnelles, offrant expertise et formation sur les méthodes de restauration respectueuses des traditions. Paysages de France lutte pour la sauvegarde des paysages, combat l’affichage publicitaire illégal et vise à faire évoluer la réglementation relative à la publicité extérieure. Sites & Monuments combat pour la protection des paysages et de l'architecture, tandis que Europa Nostra étend cette mission à l'échelle européenne, cherchant à sauvegarder le patrimoine culturel du continent. L'ICOMOS, à l'échelle mondiale, et les CAUE, à l'échelle locale, fournissent des conseils et formations, promouvant une intégration respectueuse des traditions architecturales dans le développement urbain contemporain. Nous pourrions également citer la démarche très originale de Regard Naïf qui travaille à la construction du patrimoine de demain. 


À ces efforts s'ajoute l'engagement d'urbanistes et d'architectes visionnaires, souvent à la marge de leur propre profession en raison de leur rejet des tendances modernistes dominantes. Ils sont les pionniers oubliés, comme Xavier Bohl, ou encore Breitman et Breitman dont l'œuvre à Amsterdam, une synagogue harmonieusement intégrée dans son environnement historique, mériterait une reconnaissance bien plus large.


Certains élus locaux, bien intentionnés mais parfois dépassés par la complexité de la tâche, tentent également de contribuer à ce mouvement. Leur bonne volonté est indéniable, mais les obstacles sont nombreux : manque de concepts clairs, de moyens adaptés, et de compétences nécessaires pour transformer efficacement l'espace urbain.


Enfin, cette tendance est mondiale, et nous trouvons à l'international plusieurs acteurs de ce changement, notamment : Le Lennard Institute for Livable Cities, Seaside Institute, The Urban Guild, The King's foundation, CNU (Congress for the New Urbanism), INTBAU, Sustasis Foundation, Placemaking, University of Notre Dame...


Ainsi se dessine le portrait d'un combat pour un urbanisme qui respecte et valorise les racines historiques et esthétiques de nos environnements de vie, ainsi que la prise en compte des besoins bonheuriens, un enjeu crucial pour la qualité de vie urbaine future.


Pourquoi cela bouge-t-il si lentement ? 

Si nous sommes nombreux à observer que l'urbanisme mondial tend vers une uniformité déplaisante, voire franchement laide, il convient alors de s'interroger sur les raisons de cette stagnation. Pourquoi, malgré une prise de conscience croissante, les changements nécessaires peinent-ils à se concrétiser ? Cette question mérite d'être posée si nous aspirons à résoudre les problèmes que nous avons soulevés.


Premièrement, l'idéologie moderniste a dominé les débats pendant près de 80 ans. Cette prédominance s'explique par l'attrait qu'elle a exercé sur le monde politique et économique, notamment durant les Trente Glorieuses, ainsi que sur les populations qui ont vu leurs conditions de vie s'améliorer significativement dans des logements modernes, radicalement différents des bâtis souvent insalubres du passé.


Deuxièmement, l'influence des institutions académiques en urbanisme et en architecture est incontestable à l'échelle mondiale, et continue de promouvoir cette vision moderniste de l'urbanisme. L'architecture même des bâtiments universitaires, comme ceux de l'école d'urbanisme de Harvard, témoigne de l'empreinte durable de ce courant. L'enseignement prodigué y renforce cette idéologie, laissant peu de place à d'autres approches.


Troisièmement, l'éducation souvent insuffisante des élus en matière d'urbanisme rend difficile toute remise en question des doctrines établies. N'étant pas urbanistes, ils s'en remettent naturellement à des experts renommés, rendant toute critique du résultat final périlleuse.


Quatrièmement, le pouvoir limité des associations locales constitue un obstacle supplémentaire. Bien que certains militants se battent pour promouvoir leurs idées, ils se heurtent souvent à une administration omnipotente, rendant les résultats de leurs efforts incertains.


Cinquièmement, la réception hostile réservée à ceux qui contestent le modernisme prévalent est une réalité. Ceux qui osent défier l'orthodoxie sont souvent diabolisés par les professionnels de l'urbanisme et les médias, qui n'hésitent pas à les dépeindre comme rétrogrades et passéistes.


Enfin, sixièmement, le manque de puissance et de visibilité des voix alternatives est peut-être le défi le plus crucial. Sans une force de frappe suffisante pour se faire entendre, il est ardu de promouvoir un urbanisme renouvelé. Il s'agit, à notre avis, de la problématique majeure sur laquelle il est impératif de se concentrer si nous aspirons à l'émergence d'un nouvel urbanisme.


Ces multiples obstacles illustrent les défis profonds auxquels nous faisons face dans la quête d'un urbanisme qui respecte et enrichit le cadre de vie humain. Pour voir émerger un nouveau modèle d'urbanisme, il est essentiel de concentrer nos efforts sur ces points critiques.


Ce que nous pensons pouvoir apporter au changement

Si la sagesse populaire suggère que "le succès appartient à ceux qui osent commencer", embrassons cette maxime en engageant nos ressources modestes dans une entreprise audacieuse. Ce projet, bien que plein d'ambition, recèle un potentiel de réussite tangible. Mais quelle est donc notre contribution ou pour le dire plus crûment notre valeur ajoutée à cet édifice ? Nous pensons qu'elle réside dans les points suivants. 









Chacun de ces points illustre notre capacité à apporter - nous semble-t-il - une valeur ajoutée significative à la refonte de l'urbanisme, en faveur d'une société où le bien-être est priorisé.


Passons à l'action en créant un écosystème véritablement transformationnel

Pour nous, il est clair que, bien que les bonnes intentions soient nombreuses, le changement s'opère lentement pour une multitude de raisons que nous avons précédemment exposées. C'est pourquoi nous sommes convaincus que pour catalyser un véritable renouveau, il est essentiel de créer un écosystème global capable de rallier suffisamment d'élus, d'entreprises, d'organismes, d'associations, de professionnels de l'urbanisme et de citoyens engagés.


Pour ébaucher un tel écosystème, une approche graduée s'impose. Initialement, nous pourrions nous focaliser sur le domaine éditorial. Nous envisageons la publication de livres sur le bonheur et l'urbanisme, puis la création d'une revue semestrielle dénommée « Urbanisme bonheurien ». La publication d'une telle revue permettrait l'émergence de prix dédiés à l'urbanisme bonheurien, ce qui serait un moyen efficace de promouvoir notre cause, de stimuler de nouveaux projets et surtout, de récompenser ceux déjà engagés dans cette voie.


Ces publications pourraient également servir de fondement à la création d'un think tank spécialisé. Un tel organe serait crucial pour influencer les politiques publiques, car il n'y a guère de meilleur moyen de peser dans le débat public que de fournir des analyses et des réflexions régulières et pertinentes.


Parallèlement, nous envisageons la création d'une école d'urbanisme bonheurien. L'objectif serait de construire une institution pragmatique et efficace, dédiée à la formation des futurs leaders de ce domaine.


Quoi de mieux, pour nourrir le goût du beau et la connaissance de l'architecture vernaculaire de l'Ouest parisien de étudiants, qu'un musée enrichi par notre collection ? Cette initiative contribuerait à élever la conscience esthétique et culturelle de tous nos étudiants.


Enfin, l'édification d'un pôle intellectuel et économique dédié à l'urbanisme bonheurien fédérerait un vaste réseau d'acteurs, des architectes aux artisans, des entreprises immobilières aux investisseurs. Un tel pôle, en dialoguant avec de grands fonds d'investissement immobiliers, pourrait devenir un moteur de changement concret et mesurable.

Voici, selon nous, la marche à suivre pour instaurer un écosystème qui soit véritablement transformationnel et propice à la réalisation d'un urbanisme innovant et heureux.


Capitalisons sur l'existant pour faire notre feuille de route

L'idée n'est pas de réinventer ce qui existe déjà, mais de compléter le puzzle avec les pièces manquantes. Ainsi, chaque pièce doit s'imbriquer harmonieusement pour former un ensemble cohérent et fonctionnel. Pour cela, il est essentiel de définir une vision claire de ce que doit être la représentation finale de notre écosystème transformationnel. Cette vision doit ensuite être confrontée à un diagnostic précis de l'existant. Ce diagnostic permettra d'identifier les pièces manquantes ainsi que les points forts actuels sur lesquels nous pourrons capitaliser. Il y a déjà beaucoup d'initiatives très positives en France et dans le monde. En résulteront une feuille de route et un plan d'action détaillé, guidant chaque étape de notre travail.

Dans cette démarche, il s'agit de comprendre les dynamiques existantes, de saisir les opportunités et de relever les défis avec une approche méthodique et stratégique.

En somme, cette vision n'est pas une simple juxtaposition de structures juridiques, mais une symphonie où chaque élément joue un rôle crucial, contribuant à l'harmonie d'ensemble. C'est ainsi que nous pourrons construire un mouvement de l'urbanisme bonheurien non seulement qui fonctionnent bien, mais qui inspire également tous les parties prenantes et les futures générations.


Commençons par sensibiliser les élus

Dans la quête pour édifier une ville qui incarne le bien-être des citoyens — une ville bonheurienne, répondant aux besoins essentiels des êtres humains —, plusieurs facteurs clés de succès peuvent être identifiés. Ceux-ci englobent la solidité conceptuelle des fondations d'une telle ville, la formation exigeante des urbanistes et des architectes, l'implication citoyenne active, les ressources financières des autorités locales, la compétence des agents territoriaux, et l'accès à des outils juridiques, techniques, et financiers efficaces.


Toutefois, parmi ces éléments indispensables, un facteur se distingue comme étant fondamental : la volonté politique déterminée. Sans cette volonté, la mise en œuvre des autres composantes, bien que nécessaire, demeurerait insuffisante. L'analogie du chef d'orchestre est pertinente ici : même avec les meilleurs musiciens et les plus beaux instruments dans des salles grandioses, sans un chef pour diriger, l'harmonie est compromise. Il en va de même pour l'urbanisme.


Actuellement, peu de maires embrassent pleinement ces enjeux dans toutes leurs dimensions, maîtrisant les concepts et les outils nécessaires pour orchestrer efficacement le développement d'une ville bonheurienne. Souvent, d'autres urgences préoccupent leurs agendas, reléguant au second plan cette mission cruciale. C'est pourquoi la formation des élus, en plus de celle des professionnels de l'immobilier et d'autres acteurs, est impérative. Notre école d'urbanisme s'engage à prioriser cette éducation.


Les villes de Clamart et du Plessis-Robinson illustrent parfaitement ce principe. Sous la direction éclairée de leurs maires, Jean-Didier Berger et Philippe Pemezec, ces villes ont élevé la création d'espaces bonheuriens au rang de priorité absolue, investissant une énergie considérable pour transformer ce concept en réalité.


Lili LEE (1993- )

Shape of meditation