Poser le bonheur comme fondement de l'urbanisme

Fonder un urbanisme bonheurien

Cette conception d'un urbanisme centré sur le bonheur n'est pas une idée récente ; elle s'inscrit dans une longue tradition de réflexion urbanistique. On retrouve cette aspiration au bien-être dans plusieurs courants, de l'aménagement parisien par Haussmann aux principes hygiénistes, en passant par les cités-jardins des années 30, visibles notamment à Suresnes ou au Plessis-Robinson. Il convient de mentionner le projet d'envergure lancé au Plessis-Robinson il y a plus de trente ans, témoignant d'une rénovation urbaine d'exception, résolument tournée vers la quête du bonheur des habitants.

Nous abordons ici la genèse d'une discipline nouvelle, véritable science du bonheur, qui, bien que discutée sous divers angles depuis l'Antiquité, mérite une structuration scientifique en tant que champ d'étude autonome et distinct. Cette science du bonheur se doit d'être libérée des cadres traditionnels tels que l'économie du bonheur, la psychologie positive, ou encore l'utilitarisme, pour s'établir comme une branche indépendante de la connaissance.

Il est impératif d'initier une révolution copernicienne dans notre approche du bonheur, le traitant comme une science à part entière qui se doit d'être explorée sous toutes ses facettes, de manière exhaustive et avec rigueur scientifique. Cette démarche implique un rejet de toute idéologie préconçue au profit d'une méthode scientifique ouverte à la réfutation et à la critique. 

Ainsi, une École d'Urbanisme Bonheurien serait le fer de lance d'une réflexion profonde et structurée sur l'urbanisme de demain, un urbanisme qui place le bonheur et le bien-être au centre de ses préoccupations, ouvrant la voie à une nouvelle ère de développement urbain, loin de toutes les idéologies architecturales et urbanistiques actuelles.

Hector TROTIN (1894-1966) - À l'arbre de Robinson

Le Plessis-Robinson - L'exemple d'une ville cité jardin, en quête de bonheur

Bientôt deux ouvrages sur une "science" dédiée à l'étude des fondements du bonheur 

La conceptualisation d'une science dédiée à l'étude des fondements du bonheur a été l'objet d'une réflexion profonde que nous avons entreprise depuis plus d'une décennie. Notre enquête ne se limite pas exclusivement à l'urbanisme, mais englobe tous les aspects structurants de notre existence. Forts de cette ambition, nous envisageons la publication future de deux ouvrages dédiés spécifiquement à ce thème. Un premier livre sur l'étude des fondements du bonheur. Un deuxième sur le bonheur et l'urbanisme. Ces livres sont conçus pour servir de fondation scientifique à la naissance de la nouvelle école d'urbanisme bonheurien.

Ces deux ouvrages se proposent d'explorer en profondeur les vecteurs essentiels du bien-être, en s'appuyant sur des recherches en psychologie et en neurosciences, ainsi que sur des analyses rigoureuses et non idéologiques. 


Un cadre d'analyse théorique robuste sur lequel s'appuyer...

Par leur publication, nous souhaitons offrir un cadre théorique robuste et novateur, qui éclairera les principes fondateurs de cette discipline émergente. L'objectif est de doter les futurs urbanistes, ainsi que les chercheurs et praticiens de divers horizons, d'un guide réflexif et pratique pour intégrer la quête du bonheur dans la conception des espaces de vie de demain. 

Cette initiative marque un pas significatif vers la formalisation d'un domaine d'étude qui aspire à remodeler notre compréhension et notre pratique de l'urbanisme, en plaçant l'épanouissement humain au cœur de toutes décisions et conceptions architecturales et urbaines. Cette thématique nous semble aujourd'hui urgente, alors que - nous l'avons déjà dit - plus de la moitié de la population mondiale vit désormais dans une ville. Il en va aussi de la santé mentale des générations futures. 


car scientifique

L'urbanisme que nous qualifierions de bonheurien se fonde sur une compréhension approfondie des besoins essentiels à la félicité collective. Il s'agit d'identifier et de répondre à des exigences dont la satisfaction est de nature à accroître substantiellement le bien-être général. Cette démarche, loin de se confondre avec les courants idéologiques qui ont souvent orienté les plans urbains, aspire à s'ériger en discipline scientifique rigoureuse, exempte de toute préconception idéologique.

Il convient de souligner, pour écarter toute ambiguïté, que notre démarche se veut résolument scientifique. Nous nous efforçons de délaisser les anciennes idéologies urbaines au profit d'une approche fondée sur la raison et l'empirisme. En effet, il est crucial d'évacuer les dogmatismes du passé pour embrasser une méthode qui s'autorise la révision et l'autocorrection, selon les enseignements tirés de l'expérience et de l'observation continue. Illustrons ceci à travers quelques exemples concrets en urbanisme : lorsque nous planifions des espaces publics, notre approche se fonde sur des données probantes montrant comment ces espaces peuvent améliorer le bien-être psychologique et physique des citoyens. 

En adoptant une méthodologie empirique, nous nous assurons que nos théories et modèles urbains sont constamment testés et validés. Ils doivent être falsifiables, c'est-à-dire susceptibles d'être réfutés par de nouvelles preuves, suivant en cela les principes énoncés par Karl Popper. Cette approche se distingue nettement des idéologies, qui souvent prescrivent des normes immuables et résistent à l'adaptation, même face à des preuves contraires.

L'urbanisme bonheurien, donc, transcende la simple prescription de formes urbaines idéales pour se concentrer sur des stratégies adaptatives qui se réajustent et évoluent avec la société. En définitive, bien que la ligne séparant science et idéologie puisse parfois sembler ténue, notre engagement envers une urbanistique éclairée par la science est ferme, guidé par la quête d'un bien-être authentique et durable pour tous.


Distinguer une science d'une idéologie

Pour déterminer si une approche théorique est une science ou une idéologie, plusieurs critères peuvent être pris en compte :

En revanche, une idéologie est généralement caractérisée par les points suivants :

La distinction entre science et idéologie n'est pas toujours claire, car la science peut être influencée par des contextes idéologiques et des idéologies peuvent être informées par des découvertes scientifiques. Toutefois, la démarche et l'objectif de base de chacune tendent à être distincts.

Maëlle ROBERT

Le lien entre la santé mentale et l'urbanisme, 2021

Maëlle ROBERT

Le besoin bonheurien de nature, 2021

Un premier exemple pour illustrer notre propos : le besoin de relations humaines

Dans notre exploration des éléments fondamentaux du bonheur urbain, le besoin de relations humaines émerge comme une priorité centrale. Tout urbaniste devrait aspirer à maximiser ce besoin bonheurien à travers les infrastructures qu'il crée. Comment y parvenir ? Prenons des exemples concrets pour éclairer notre propos.


D'abord, la création ou la rénovation de vastes places publiques s'avère essentielle. Ces espaces de rassemblement, animés par des commerçants, des bars, et des restaurants, invitent les citoyens à s'installer et à profiter de moments agréables ensemble. Elles deviennent le théâtre de marchés, de fêtes populaires et de nombreuses autres manifestations communautaires. Pour que ces places soient véritablement accessibles, une stratégie polycentrique est recommandée dans les grandes métropoles, avec plusieurs petits centres, chacun doté de sa propre place. L'effervescence sociale des places méditerranéennes, notamment italiennes, illustre parfaitement le potentiel de tels espaces.


Une autre initiative pour renforcer les liens communautaires serait la création de petits espaces verts publics à proximité immédiate des écoles. Ces espaces permettraient aux parents d'arriver en avance et de se retrouver sur des bancs, facilitant ainsi les rencontres et les échanges entre eux. Ces lieux deviendraient rapidement des points essentiels de sociabilisation , encourageant les interactions pendant l'attente des enfants. En contraste, un simple trottoir étroit et goudronné n'incite guère à la convivialité ni à l'anticipation. Ce contraste montre clairement comment l'urbanisme peut soit encourager, soit inhiber la création de liens sociaux parmi les résidents d'une ville. 


L'urbanisme, donc, ne se limite pas à la planification d'espaces fonctionnels mais englobe la création de lieux qui enrichissent les interactions humaines et renforcent le tissu social. Les travaux de Jan Gehl, notamment dans ses livres tels que "Cities for People" et "Life Between Buildings", soulignent cette philosophie en mettant l'accent sur des villes conçues autour des besoins humains et des interactions sociales, offrant un cadre de vie qui respecte et promeut la qualité de vie urbaine.


Un deuxième exemple : le besoin de sécurité

Dans notre quête de comprendre les aspects fondamentaux qui façonnent le bien-être urbain, le besoin de sécurité et plus précisément le sentiment de sécurité émergent comme des préoccupations cruciales. L'impact de l'urbanisme sur ces besoins est significatif et peut être illustré par la configuration des rues dans une ville.


Prenons pour exemple la largeur des voies. Une rue trop étroite, ne permettant pas l'aménagement de trottoirs sécurisés tout en restant ouverte à la circulation, peut engendrer un sentiment d'anxiété pour les résidents et plus encore pour les enfants qui y jouent. À l'opposé, une route particulièrement large, telle qu'une route de deux fois trois voies, peut provoquer un stress considérable lorsqu'il s'agit de la traverser, spécialement pour les personnes âgées ou les personnes à mobilité réduite.


Afin d'éviter ces extrêmes, la planification urbaine doit privilégier des solutions modérées, telles que des routes à sens unique séparées par des îlots résidentiels, favorisant ainsi la sécurité sans sacrifier l'accessibilité. Un exemple frappant de cette dualité peut être observé à Pékin. Les anciens hutongs, avec leurs ruelles étroites ouvertes à la circulation, sont souvent perçus comme oppressants, tandis que les nouvelles grandes artères peuvent sembler démesurément vastes et intimidantes, manquant de cette échelle humaine qui facilite le sentiment de sécurité. 


Cette analyse montre que la largeur des voies, au-delà de son impact esthétique, joue un rôle déterminant dans la satisfaction du besoin fondamental de sécurité, influençant profondément le confort et la qualité de vie des citadins.

Les voies trop étroites, sans trottoirs et ouvertes à la circulation sont une source de stress pour les piétons - Beijing, Chine, 2016

Les très grandes avenues, lorsqu'il faut les traverser, sont une source de stress pour les personnes fragiles - Beijing, Chine, 2018